Hermine Chombart de Lauwe, déléguée générale et co-fondatrice du Conseil National pour la Résilience Alimentaire, nous éclaire.
Si la crise a fait évoluer certaines habitudes de consommation, la résilience alimentaire est encore trop peu connue.
40% des légumes que nous consommons en France sont importés et 60% des fruits, selon l’interprofession des fruits et légumes frais (Interfel), contre respectivement 28% et 43% en 2000. Pour ce qui est des produits de la mer, le saumon, la crevette et le thon sont les 3 principales espèces importées (FranceAgrimer, 2021).
Depuis quand le CNRA existe ?
Créé au lendemain du premier confinement, l’association CNRA repose sur la base de 3 constats :
- le décalage important entre les ambitions affichées d’une nourriture plus saine, plus durable, plus vertueuse, et les volumes réels consommés,
- de nombreuses solutions et initiatives existent et foisonnent mais elles ne sont pas suffisamment relayées et soutenues,
- les élus et les acteurs économiques ne travaillent pas assez de manière collective et coordonnée.
C’est pourquoi 7 entrepreneurs se sont unis avec l’ambition de :
“ Au CNRA, notre mot d’ordre est d’être dans l’action, où le public et privé, le bio et le conventionnel, le low-tech et le high-tech, se mélangent. Il est désormais important d’agir.”
Nous voulons ensemble travailler au rééquilibrage de l’offre alimentaire vers plus de local, à l’adaptation des agricultures aux changements climatiques, et la construction d’une offre plus lisible, basée sur la réduction de la distance entre consommateurs et producteurs.
La Résiliation Alimentaire, c’est quoi exactement ?
Si on reprend la définition officielle de la Global Food Security, la “résilience alimentaire“, c’est la capacité d’un système alimentaire à procurer dans le temps une alimentation suffisante pour tous, adaptée et accessible, face à des perturbations variées et même imprévues.” - Tendall, D.M., et al. (2015) Food System Resilience: Defining the Concept. Global Food Security, 6, 17-23
On en peut plus continuer à consommer de la même manière. La technologie fait partie des solutions importantes mises en place mais le lien avec les filières est indispensable. Chaque maillon de la chaîne de valeur alimentaire a un rôle à jouer. Le CNRA a pour vocation de les rassembler, de les structurer et de porter leur voix.
Quelles actions menez-vous pour améliorer la Résilience Alimentaire ?
La crise sanitaire a modifié certaines habitudes alimentaires. Malgré la progression du nombre de consommateurs de produits bio de 12% en 2020, avec pour principales motivations :
- préservation de la santé (58%)
- et de l'environnement (51%)
Les ventes ont ralenti depuis ce début d'année 2021, notamment au sein des enseignes de la grande distribution, voire même diminué de 1,3% (Linéaires, 2021).
Les consommateurs cuisinent davantage, achètent plus de produits frais, de saison, consomment plus local et évitent le gaspillage alimentaire (Source : Agence bio). Pour suivre l’évolution de la Résilience Alimentaire, le CNRA a développé 3 initiatives :
1. une journée parlementaire, avec pour ambition de faire de la Résilience Alimentaire une priorité au niveau national dont tout le monde peut se saisir.
2. un baromètre qui permet de calculer et suivre la Résilience Alimentaire. Il s’appuie sur nombreux indicateurs, qui évoluent au fil du temps:
- La production alimentaire
- L’adéquation entre production agricole et besoins alimentaires
- La population agricole
- La politique foncière
- Les pratiques agricoles durables
- La distribution en circuit court
- La présence d’outils de transformation
- Les projets alimentaires territoriaux (PAT) qui permettent de réunir les acteurs de la chaîne alimentaire (producteurs, consommateurs, collectivités, etc.) pour faire un état des lieux de la production et des besoins alimentaires du territoire, afin de rapprocher l’offre et la demande.
3. la mise en place de groupes de travail pour réfléchir collectivement sur des thématiques précises au sein de toute la filière agroalimentaire; que ce soit des projets de financement à la massification de produits locaux pour la restauration collective.
“Nous sommes convaincus que la transition alimentaire va se faire dans les territoires, par les acteurs du territoire.”
Pour 2022, le CNRA lance deux chantiers prioritaires :
- Un mode d’emploi de la résilience alimentaire des territoires pour guider les décideurs vers la mise en place efficace des solutions, avec AFNOR Normalisation
- Une plateforme digitale de mise en relation des offres et des demandes des territoires en termes de résilience alimentaire, avec MAKE.org
Quels sont les freins à une meilleure Résilience Alimentaire ?
On peut parler ici des 7 pêchés territoriaux :
- l’ignorance, qu’elle soit passive ou active, nous ne changeons pas nos habitudes,
- la technologie, qui ne peut pas répondre à toutes les problématiques mais constitue une solution innovante intéressante,
- le cloisonnement, qui nous fait réfléchir de manière monospécifique,
- la perfidie, c’est-à-dire la mise en place d’actions pour ralentir le changement,
- l’agitation, où une stratégie transversale n’est pas établie,
- l’irresponsabilité avec le manque d’analyses collectives, du contexte et de ses enjeux.
A l’échelle nationale, de nombreux départements ont une production alimentaire insuffisante pour couvrir leurs besoins. Cette carte représente la part des besoins des territoires qui pourrait en théorie être couverte par leur propre production. Elle révèle la fragilité des territoires densément peuplés face aux ruptures d’approvisionnement (Source : CRATer, 2021)
Comment faire pour s’engager avec le CNRA ?
Aujourd’hui, 60 membres ont rejoint le mouvement, provenant des différents secteurs, de la production à la distribution.
Pour participer à cette mission d'intérêt collectif et pour plus de Résilience Alimentaire sur votre territoire aux côtés du CNRA, c’est par ici: https://www.cnra-france.org/adhesion-au-cnra/.